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LE ROMAN / 1967

La Plaisanterie

C’est en 1967 que Kundera publie en tchèque La Plaisanterie chez Československý spisovatel. Le livre est réédité à deux reprises les deux années suivantes. En 1968, Kundera reçoit pour ce livre le prix de l’Union des écrivains tchécoslovaques. La publication chez Gallimard en 1968 de la traduction française du roman marque le début de la notoriété mondiale de l’auteur. Depuis, La Plaisanterie a été traduit dans pas moins de 37 langues, dont le persan ou le cingalais. C’est également en espagnol qu’il a connu le plus grand nombre d’éditions, ainsi qu’en français, italien, allemand et chinois.

Kundera parle de son roman

Je me souviens de La Plaisanterie. En 1985, soit dix-huit ans après la sortie du livre, je terminais ma « note de l’auteur » pour l’édition français par ces mots : « Les ruminants qui digèrent l’actualité aujourd’hui ont oublié depuis longtemps le Printemps de Prague et l’invasion russe qui s’en est suivie. Grâce à cet oubli, paradoxalement, La Plaisanterie peut redevenir ce qu’elle a toujours été : un roman, rien de plus. » (Milan Kundera, note pour NLB)

Couvertures des éditions étrangères

Édition russe

Édition tchèque

Édition chinoise

Édition coréenne

Édition anglaise

Édition norvégienne

Édition islandaise

Édition allemande

Les corrections du texte
Les corrections de la première édition en français du roman La Plaisanterie par l’auteur. L’image permet de saisir la quantité d’interventions sur le texte.

Annotation de l'éditeur

«Oui, j'y voyais clair soudain : la plupart des gens s'adonnent au mirage d'une double croyance : ils croient à la pérennité de la mémoire (des hommes, des choses, des actes, des nations) et à la possibilité de réparer (des actes, des erreurs, des péchés, des torts). L'une est aussi fausse que l'autre. La vérité se situe juste à l'opposé : tout sera oublié et rien ne sera réparé. Le rôle de la réparation (et par la vengeance et par le pardon) sera tenu par l'oubli. Personne ne réparera les torts commis, mais tous les torts seront oubliés.»

(Gallimard

Critiques

Jiří Opelík, Literární noviny, 1967, n. 23

Dans son premier roman, La Plaisanterie, Milan Kundera reste fidèle à lui-même : sensible au tragicomique qui caractérise les actions de l’individu au milieu du monde, sensible à la désillusion, à la destruction et au questionnement des valeurs sur lesquelles l’homme contemporain et sa société se fondent. […] Avec La Plaisanterie, Kundera réécrit à sa manière Du Malheur d’avoir trop d’esprit : seul un esprit destructeur et rationnel est capable de faucher toute la mauvaise herbe de l’illusion ; seul un esprit critique et rationnel est capable d’ébranler en profondeur le royaume des idées reçues ; seul un esprit sceptique et rationnel peut ressentir toute la tristesse d’une raison impuissante bien qu’irremplaçable, merveilleusement analytique, et privée d’harmonie.

Zdeněk Kožmín, Host do domu, 1967, n. 6

Pour le roman tchécoslovaque, La Plaisanterie de Kundera est certainement la critique la plus mûre de la période du culte de la personnalité. Mais n’y voir qu’une reconstitution des années 1950, une mise en évidence des illusions propre à l’époque, ce serait méconnaitre sa construction sémantique. À côté de son évidente valeur historique, cette œuvre de grande qualité présente une autre dimension essentielle : c’est un drame humain qui dispose de ses propres constantes. […] Ainsi, l’atmosphère de désillusion propre à l’époque aide l’auteur à édifier un roman à l’ironie mordante et à opposer à l’absurdité et à l’indifférence une profonde indignation face à la dégradation du sens.

Miroslav Petříček, 1967, postface à La Plaisanterie

Le roman de Kundera ne plaisante pas. Ni avec l’époque, ni avec la littérature. Il les met à l’épreuve avec toute l’inventivité d’un esprit libre, mais dont la liberté se joue dans l’expression d’une responsabilité critique face à son temps, d’une responsabilité quant à la quête de son sens.

Václav Černý, Host do domu, 1968, n. 3

C’est une histoire infernale et dans laquelle, à chaque pas, le cynisme manque de se fracasser contre les écueils de la laideur. […] La Plaisanterie est un roman sur quelques âmes humaines arrachées à la vérité jusqu’à l’ultime frustration, des âmes pillées, dévalisées par l’illusion et le mensonge de leur gloire morale jusqu’à leur ultime parcelle d’humanité. 

Extrait du roman

Tout bien considéré, j’étais, au fond, d’accord avec chacune des assertions de Marketa, comme elle je croyais même à la révolution en Europe de l’Ouest ; il n’y avait qu’une chose que je n’approuvais pas : qu’elle se sentît contente et heureuse tandis que j’étais en mal d’elle. Alors, j’achetai une carte postale et (pour la blesser, la choquer, la dérouter) j’écrivis : L’optimisme est l’opium du peuple ! L’esprit sain pue la connerie. Vive Trotski! Ludvik. (Folio, 2020, p. 57)

Lucie? Ah, oui : quinze ans ont passé sans que je l’aie aperçue et j’ai même été longtemps à ne rien savoir d’elle. Seulement après mon service militaire, j’ai entendu dire qu’elle pouvait se trouver quelque part dans l’ouest de la Bohême. Mais je ne la recherchas plus. (Folio, 2020, p. 192)

Les adaptations cinématographiques

Source : Archives cinématographiques nationales tchèques (compte Youtube)

Le film La Plaisanterie (Žert, 1968) est l’adaptation cinématographique du roman éponyme de Milan Kundera. Il est l’œuvre du réalisateur Jaromil Jireš, l’un des grands représentants de la Nouvelle vague tchécoslovaque. La Plaisanterie raconte l’histoire de Ludvík Jahn, un homme qui cherche à se venger d’un tort qu’il a subi dans sa jeunesse. À cause d’une blague innocente, Jahn est renvoyé de l’université et exclu du Parti Communiste tchécoslovaque, ce qui modifie considérablement le cours de sa vie. Tout comme le livre, le film traite de thèmes tels que l’ironie, la vengeance et le caractère tragicomique de la destinée humaine, tout cela dans le contexte de la répression politique qui caractérise alors le régime communiste en Tchécoslovaquie. Son aspect visuel remarquable et la force de son récit font du film un classique du cinéma tchèque, dont il est considéré comme l’un des apports majeurs au cinéma mondial. La Plaisanterie est interdit dans les salles tchécoslovaques à partir de 1971 par le régime de Gustav Husák. Il est de nouveau projeté à partir de 1990, après la Révolution de velours.

Pour aller plus loin

La Nouvelle Vague tchécoslovaque

01.

Qu’est-ce que c’est ?

La Nouvelle Vague tchécoslovaque désigne une génération de réalisateurs et de scénaristes qui œuvrent dans les années 1960. 

02.

L’influence d’autres mouvements

Le mouvement est influencé par divers courants du cinéma mondial, notamment Free Cinema, la Nouvelle Vague française, Cinéma vérité ou encore le cinéma underground américain, que les artistes tchécoslovaques ont pu découvrir, assimiler et interpréter à leur manière dans les années 1960.

03.

L’importance du mouvement

La Nouvelle Vague tchécoslovaque représente une étape essentielle dans l’histoire du cinéma tchécoslovaque, mais aussi un style qui se démarque fortement du réalisme socialiste, l’esthétique alors officiellement admise par le régime communiste.

04.

Les principaux représentants

Parmi les principaux artistes issus de ce mouvement, on citera par exemple, outre Jaromil Jireš : Miloš Forman, Jiří Menzel, Věra Chytilová, Ivan Passer, Jaroslav Papoušek, Antonín Máša, Juraj Herz, Juraj Jakubisko, Dušan Hanák ou encore Ester Krumbachová.

La ville de Brno contribue au financement de la Bibliothèque Milan Kundera par une subvention individuelle.


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